Source : JDD 

Parmi les 13 djihadistes français transférés de Syrie en Irak figurent des membres hauts placés dans la hiérarchie de l’Etat islamique. Certains ont eu des contacts avec les organisateurs des attentats du 13-Novembre. D’autres ont été condamnés, en leur absence, par la France. Tous seront pourtant jugés et condamnés en Irak.

Les 13 djihadistes français seront jugés en Irak, où ils encourent jusqu'à la peine capitale. Mais en théorie seulement.
Les 13 djihadistes français seront jugés en Irak, où ils encourent jusqu’à la peine capitale. Mais en théorie seulement. (Reuters)
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Face à la perspective de voir revenir, sur le territoire national, des dizaines de djihadistes français, la France a choisi d’en laisser certains être jugés par la justice irakienne. Motif invoqué : ceux-ci ont commis des faits en lien avec une entreprise terroriste sur le territoire irakien. Pour Bagdad, il suffit d’avoir rejoint l’Etat islamique, même sans combattre, voire d’avoir simplement traversé le territoire irakien, pour y être jugé. C’est le cas notamment de 13 Français, dont on a appris le transfert des camps kurdes de Syrie vers les prisons irakiennes fin février.

Grâce au travail du Centre d’analyse du terrorisme (CAT), on en sait un peu plus sur le profil de ces hommes, qui encourent théoriquement la peine de mort en Irak. Théoriquement, car la France a fait savoir aux autorités irakiennes sa volonté de voir la peine maximale – la perpétuité, soit 20 ans en droit irakien – appliquée systématiquement. Une manière de contourner le problème de la peine de mort, et aussi d’éviter que ces djihadistes ne soient libérés bientôt.

Parmi ces 13 hommes, qui ont déjà comparu une première fois devant un juge irakien, figurent des membres hauts placés dans la hiérarchie de Daech, d’autres qui ont eu des liens avec les commanditaires des attentats du 13-Novembre, des personnes condamnées en leur absence par la justice française ou encore poursuivies par un mandat d’arrêt international. Tous seront pourtant jugés en Irak, la France ne souhaitant pas les voir revenir. Voici ce que l’on sait du parcours de 10 d’entre eux, l’identité des trois autres n’ayant pas été révélée.

1 – Kevin Gonot, neveu des frères Clain, les « voix » du 13-Novembre

Nom : Kevin Gonot
Pseudonyme : Abou Soufiane
Age : 32 ans
Lieu d’origine : Figeac, dans le Lot
Parcours de radicalisation : Il s’est converti au début des années 2000. Il a étudié l’arabe pendant deux ans au Caire, rapporte L’Express. En 2013, « il fait la connaissance d’un ami qui voulait aller se battre en Syrie », a-t-il raconté au juge irakien, de même source.
Rôle au sein de l’Etat islamique : Il entre en Syrie fin 2013 et intègre d’abord une émanation d’Al-Qaïda. Selon L’Express, lui dit y avoir travaillé comme interprète, mais aurait en fait participé aux combats à Alep. Il rejoint ensuite l’Etat islamique, au sein de la brigade Anouar al-Aoulaki, où sont regroupés les combattants français.
Connexion avec d’autres combattants : Sa femme est Jennifer Clain, la nièce des frères Fabien et Jean-Michel Clain, récemment tués dans une frappe de la coalition internationale et « voix » des attentats du 13-Novembre. Il est le demi-frère de Thomas Collange, un djihadiste français qui se trouverait, lui, toujours dans un camp au Kurdistan syrien.
Signe particulier : Il est parti en Syrie avec une partie de sa famille. Son père, sa mère, son demi-frère Thomas Collange, sa femme et leurs cinq enfants. Selon lui, son père est mort à Raqqa, et tous les autres ont été arrêtés.
Justice française : Selon le CAT, cité par l’AFP, il a déjà été condamné en France en son absence à neuf ans de prison.

2 – Léonard Lopez, condamné en son absence à 5 ans de prison en France

Nom : Léonard Lopez
Pseudonyme : Abou Ibrahim al-Andaloussi
Age : 32 ans
Lieu d’origine : Paris
Parcours de radicalisation : Il a travaillé dans une librairie musulmane. Au début des années 2000, il fait partie des membres les plus actifs du site djihadiste francophone de référence à cette époque, Ansar Al-Haqq (« les partisans de la vérité »). Selon L’Express, il en était l’administrateur. Il est d’ailleurs placé sous contrôle judiciaire pour son activité sur ce forum privé. Il a cofondé l’association Sanabil, dissoute par le gouvernement français fin 2016 car elle contribuait, sous couvert d’aide aux détenus, à la radicalisation en prison. En 2015, profitant d’un aménagement de son contrôle judiciaire, il part à Mossoul, en Irak, puis en Syrie, avec sa femme et leurs deux enfants.
Connexion avec d’autres combattants : Dans le dossier du site Ansar Al-Haqq, il était poursuivi au côté de Farouk ben Abbes, l’un des principaux recruteurs en France de candidats au djihad. « Tous ceux qui ont été impliqués directement ou indirectement dans les attentats depuis janvier 2015 ont été en lien direct ou indirect avec Sanabil », l’association cofondée par Léonard Lopez, selon un enquêteur cité par l’AFP.
Justice française : Il a été condamné en son absence en France en juillet 2018 à 5 ans de prison ferme dans le dossier Ansar al-Haqq. Il est sous le coup de deux mandats d’arrêt émis par la justice française.

3 – Mustapha Merzoughi, ancien militaire, recruteur de candidats au djihad

Nom : Mustapha Merzoughi
Age : 36 ans
Lieu d’origine : Toulouse
Signe particulier : au juge irakien, il a raconté avoir été militaire pendant dix ans dans l’armée française, de 2000 à 2010. Il aurait notamment servi en Afghanistan en 2009.
Parcours de radicalisation : Il quitte la France pour le Maroc où il se marie avec une femme rencontrée sur internet et souhaitant elle aussi rejoindre Daech. Il entre clandestinement en Syrie en 2013. Il est connu du renseignement français pour avoir recruté, sur Internet, des candidates au djihad. Selon L’Express, son nom serait notamment apparu dans le dossier d’une mineure ayant tenté de rejoindre la Syrie en août 2015. Elle avait été retrouvée par son père en Turquie.
Rôle au sein de l’Etat islamique : Selon L’Express, il s’enrôle d’abord dans une katiba en Syrie, avant de rejoindre Mossoul, en Irak.
Justice française : Il est visé par une information judiciaire à Paris pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroristes. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt.

4 – Fodil Tahar Aouidate, lié à Abdelhamid Abaaoud

Nom : Fodil Tahar Aouidate
Age : 32 ans
Lieu d’origine : Roubaix, Nord
Parcours de radicalisation : Il a rejoint la Syrie en 2014.
Connexion avec d’autres combattants : Il a des liens avec la mouvance salafiste belge, notamment avec Abdelhamid Abaaoud, l’un des organisateurs présumés des attentats du 13 novembre 2015. Fin 2015, il apparaît d’ailleurs dans une vidéo faisant l’apologie de ces attaques.
Justice française : Il est soupçonné d’avoir voulu commettre une action violente en France en 2013. Deux de ses soeurs ont été condamnées en France pour « financement du terrorisme ».
Signe particulier Il a été rejoint par 22 membres de sa famille en Syrie.

5 – Yassine Sakkam, le dernier à avoir quitté Lunel

Nom : Yassine Sakkam
Lieu d’origine : Lunel, près de Montpellier
Justice française : Il est visé par un mandat d’arrêt depuis 2016.
Signe particulier : Il est originaire de Lunel, dans l’Hérault, comme une vingtaine d’autres Français de Daech. Il a été l’un des derniers de cette commune à rejoindre le califat, fin 2014. Selon le CAT, son frère, Karim, a commis un attentat suicide à la frontière entre l’Irak et la Jordanie en 2015. Cité ou apparu dans plusieurs entretiens avec la presse française, il est l’un des Français de l’Etat islamique les plus médiatisés.

6 – Karam El-Harchaoui, des liens avec la Belgique

Nom : Karam El-Harchaoui
Age : 32 ans
Parcours de radicalisation : Il a rejoint la Syrie depuis la Belgique en 2014.
Connexion avec d’autres combattants D’après le quotidien belge HLN, son jeune frère et leurs épouses belges étaient également membres de l’Etat islamique.

7 – Salim Machou, a hebergé Jonathan Geffroy, aujourd’hui djihadiste repenti

Nom : Salim Machou
Age : 41 ans
Rôle au sein de l’Etat islamique : Il a appartenu à la brigade Tariq ibn Ziyad, une unité de Daech menée par un ancien légionnaire français, Abdelilah Himich. Selon les autorités américaines, cette cellule est responsable d’attaques en Irak, en Syrie et à l’étranger.
Connexion avec d’autres combattants Selon le CAT, il a hébergé à Raqqa, l’ancienne capitale du califat en Syrie, Jonathan Geffroy, un Français capturé en Syrie qui a depuis fait de nombreuses révélations à la justice française, notamment sur les frères Clain.

8 – Vianney Ouraghi, lié à un franco-algérien condamné à 8 ans de prison en France

Nom : Vianney Ouraghi
Age : 28 ans
Parcours de radicalisation : Il quitte la France en juin 2013, pour la Syrie, via les Pays-Bas et la Turquie. Il a d’abord rejoint Al-Nosra avant d’intégrer les rangs de Daech dès la proclamation du califat, en juillet 2014, rapporte le CAT.
Rôle au sein de l’Etat islamique : Il a fait allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi, avant de rejoindre « un centre d’accueil des combattants étrangers à Mossoul ».
Connexion avec d’autres combattants Il quitte la France en compagnie du franco-algérien Lyes Darani, condamné à 8 ans de prison pour avoir voulu préparer un attentat à son retour des zones de combat deux mois plus tard.

9 – Brahim Nejara, recruteur pour le djihad, a fréquenté l’un des kamikazes du Bataclan

Nom : Brahim Nejara
Age : 33 ans
Lieu d’origine : Meyzieu, près de Lyon.
Parcours de radicalisation : Selon Le Progrèsil aurait rejoint la Syrie en décembre 2013, dans un 4×4 acheté 27.400 euros avec des crédits à la consommation.
Rôle au sein de l’Etat islamique : Il a facilité l’envoi de djihadistes en Syrie.
Connexion avec d’autres combattants : En Syrie, il a fréquenté Foued Mohamed-Aggad, l’un des kamikazes du Bataclan. Il apparaît par ailleurs dans une vidéo de l’EI qui salue les attentats du 13-Novembre et annonce de nouvelles attaques. Selon Mathieu Suc, journaliste à Mediapart, il a fait partie de la police de l’Etat islamique, sous les ordres du Français Tyler Vilus.
Signe particulier : Il a incité un de ses frères à commettre un attentat en France, selon le CAT. Selon Le Progrès, il était connu, dans les rangs de l’EI, pour sa corpulence et son bégaiement. Il se vantait d’entraîner les troupes au free fight.

10 – Bilel Kabaoui, originaire de la région parisienne

Nom : Bilel Kabaoui
Age : 32 ans
Lieu d’origine : Sèvres, en région parisienne
Parcours de radicalisation : Il est parti en Syrie à l’été 2014.