Source : La Gazette des communes 

Par Julie Clair-Robelet

Selon Élodie Sornay, première adjointe au maire d’Achères et référente de la Commission « prévention, sécurité » de l’Association des maires d’Ile-de-France, les maires souffrent d’un « réel manque de confiance » de la part de l’Etat dans le champ de la sécurité. Elle pointe le « cloisonnement » entre les services qui empêche une bonne circulation de l’information, tandis que le président du Centre d’analyse du terrorisme, Jean-Charles Brisard plaide pour une plus grande implication des maires dans la prévention de la radicalisation.

« Pendant longtemps, l’État s’est beaucoup appuyé sur le maire en matière de sécurité. Il a encouragé la création des polices municipales, le développement de la vidéoprotection. Mais aujourd’hui, il y a un désaveu des maires, un décalage qui se creuse », affirme Élodie Sornay, première adjointe au maire d’Achères (Yvelines) et référente de la Commission Prévention, sécurité de l’Association des maires d’Ile-de-France.

Alors que l’association prépare le « deuxième tome de son Livre blanc sur la sécurité », sa commission « prévention sécurité » s’interrogeait, mardi 18 septembre, sur les moyens des maires face au risque terroriste. Pour Élodie Sornay, les baisses de dotation, la diminution du financement de la vidéoprotection et, plus récemment, la proposition du rapport des députés LREM Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot de replacer le partenariat local de sécurité sous l’autorité de l’État marquent un « réel manque de confiance » vis-à-vis des maires. Déplacer les pouvoirs du maire
« On a l’impression que l’État ne considère plus le maire comme le premier maillon de la chaîne, alors qu’il l’est et le restera », souligne-t-elle. Elle regrette ainsi qu’en Ile-de-France, les élus locaux soient « dépouillés de leur pouvoirs en raison du développement des intercommunalités » et pointe un « paradoxe : on dit que le maire est celui qui connaît le mieux son territoire et peut faire remonter des informations en matière de sécurité, mais, en même temps, l’État insiste pour déplacer ce contact premier et les pouvoirs du maire en la matière. La compétence sécurité a ainsi été reprise par certaines intercommunalités, alors que les habitants ne se retrouvent pas dans cet échelon ».
Il s’agit, selon elle, de « non-sens administratif qui ne vont pas dans le sens de la fluidité sur le terrain et n’aide pas les maires au quotidien » dans leur lutte contre la délinquance et le terrorisme. Essoufflement des CLSPD

Cet « écart » entre État et collectivité est notamment flagrant dans le fonctionnement des CLSPD (conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance). « Des instances de ce type existent depuis presque 30 ans et pourtant, on se pose toujours la même question : comment parvenir à mieux partager l’information ? » indique Élodie Sornay. Elle regrette les « guerres de chapelles ou le manque de temps » qui ne permettent pas à tous les acteurs de se retrouver sereinement autour de la table pour discuter et entraîne « un essoufflement des CLSPD ».
« Il suffit parfois que le commissaire de police change et tout est à recommencer voire tout s’arrête. Il faudrait dépasser les personnes et arriver à mettre en place un vrai partage de l’information », propose-t-elle. Mais la proposition du rapport Thourot-Fauvergue de créer un conseil local unique adapté au « bassin de vie » ne lui semble pas non plus être la solution.

« La préfecture nous indique parfois qu’elle ne peut assister à tous les CLSPD et nous propose donc de les fusionner. Mais Achères n’a pas forcément les mêmes problématiques que la commune qui est à l’autre bout de l’intercommunalité », détaille-t-elle.
Et la création future d’une charte permettant de renforcer le dialogue entre l’Etat et les maires dans le domaine de la prévention de la radicalisation violente ne semble par rassurer l’élue. « Les dispositifs évoluent, mais, au final, la transmission de l’information se fait de manière interpersonnelle et il y a encore des cloisonnements, des professionnels qui ne veulent pas travailler avec les élus locaux. » Elle estime donc nécessaire que « certains prés carrés sautent, même s’il faut bien sûr mettre des limites car on ne peut pas non plus tout partager tout le temps ».

FOCUS Utiliser le « maillage local » pour lutter contre la radicalisation
Pour la première séance de sa commission « prévention sécurité » depuis la rentrée, l’Amif a choisi de recevoir Thibault de Montbrial, avocat et président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme et Marc Antoine, sous-directeur de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice. Pour Jean-Charles Brisard, « la massification de la menace intérieure, avec plus de 20000 inscrits aujourd’hui au FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste), implique une mobilisation de tous les acteurs, à commencer par les acteurs locaux qui sont les premiers concernés et constituent l’échelon le plus pertinent pour pouvoir appréhender une menace qui s’exprime localement ».
Il rappelle que « depuis 2015, les actes terroristes se déroulent en majorité en province.  Cela témoigne d’un ancrage locale de la violence islamiste et la majorité des projets d’attentats se sont déroulés dans des villes petites ou moyennes ». Pour faire face à cette menace, Jean-Charles Brisard plaide pour « un renforcement de nos capacités de détection précoce par le partage de l’information avec les collectivités locales, l’exploitation de certains fichiers régaliens sous condition évidemment ».

Il préconise une plus grande implication des maires « dans la prévention de la radicalisation en utilisant notamment tout le maillage local unique composé de tous les capteurs à leur disposition qui sont bien plus nombreux que tous les capteurs dont peuvent disposer nos services de renseignement aujourd’hui ».