Source : La Nouvelle République

Jean-Charles Brisard est président du Centre d’analyse du terrorisme (CAT), un think tank qui travaille sur les questions de terrorisme et qui compte notamment dans son comité d’honneur des figures comme le juge antiterroriste espagnol Baltazar Garzon ou le français Marc Trévidic.
Pour ce spécialiste du terrorisme et de son financement, également ancien enquêteur en chef pour les familles internationales de victimes des attentats du 11 septembre 2001, il est faux de dire que cet attentat de Nice aurait pu être absolument évité si d’autres moyens avaient été déployés. « Je ne crois pas que ce soit un problème de moyens. Nous sommes arrivés, je pense, au bout d’un processus. Des dispositifs exceptionnels ont déjà mis en place. Et notamment l’état d’urgence dont on voit aussi les limites. » Pour lui, il faut « être réaliste, on ne pourra pas disposer de beaucoup plus de moyens supplémentaires ».

 » On a surtout fait dans le quantitatif « 

D’autant plus que la France a beaucoup fait, ces derniers mois pour étoffer son système de défense et son arsenal juridique. « Néanmoins, on a surtout fait dans le quantitatif. On a pris le parti de suivre les individus radicalisés, les fichés S et on a un peu oublié le reste, c’est à dire ceux qui peuvent se radicaliser, qui présentent des signaux faibles, au niveau local » estime Jean-Charles Brisard. Il rappelle : « la menace est protéiforme, diffuse, insaisissable » et regrette, qu’au niveau du renseignement français, on ait « dégarni l’échelon local de la surveillance ».
« L’enjeu aujourd’hui pour les services français est de retrouver un maillage territorial suffisamment fin, comme elle l’avait avec les RG, pour être plus efficace. C’est ce qu’a souligné la commission d’enquête parlementaire qui a étudié les attentats de 2015 (lire ci-dessous). Il s’agit d’un axe fondamental. »
Enfin, l’attentat de Nice révèle également les capacités d’adaptation des groupes djihadistes. « Le mode opératoire, celui d’un individu seul ou de quelques individus – l’enquête le dira – est très différent de celui d’un réseau élaboré comme à Paris ou Bruxelles. Il n’y avait jamais eu d’attaque de cette ampleur en Europe mais c’est un mode opératoire connu et utilisé depuis 2010 notamment par al-Qaida dans la Péninsule arabique et encouragé par le groupe État islamique. »

En savoir plus

Le 5 juillet 2016, les trente membres de la commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 ont remis leur rapport et formulé quarante propositions. Parmi celles-ci, la 14 prévoit une refonte des services de renseignement français et propose de « fusionner le SCRT (Service central du renseignement territorial) et la SDAO (Sous-direction de l’anticipation opérationnelle) dans une nouvelle direction générale du renseignement territorial, rattachée directement au ministre de l’Intérieur. Partager les compétences de la DRPP (Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris) entre la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) et cette nouvelle direction générale du renseignement territorial, conformément à leurs champs respectifs de compétences. Intégrer la nouvelle direction générale du renseignement territorial au premier cercle de la communauté du renseignement. »

Recueilli par Olivier Pirot

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