Source : La Croix
Qui est-il ? Où est-il ? A-t-il des complices ? À l’heure où nous bouclions cette édition, la traque du suspect de l’attaque à l’engin explosif de vendredi 24 mai, à Lyon, se poursuivait toujours dimanche 26 mai en fin d’après-midi. Onze des treize blessés – dont une fillette de dix ans – ont été hospitalisés, mais leurs jours ne sont pas en danger.
Si le parquet ne s’exprimait pas dimanche, jour des élections européennes, on en sait un peu plus sur le déroulé des faits. Selon le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, la vidéosurveillance a permis de repérer un homme, présenté comme âgé d’une trentaine d’années, vêtu d’un haut vert à manches retroussées et d’un bermuda clair, portant des lunettes et circulant à vélo.
Les caméras le filment d’abord à 17 h 19 pédalant quai Claude-Bernard, puis montant sur un trottoir et progressant à pied en poussant son vélo vers la rue Victor-Hugo, où on le voit à 17 h 26 poser son vélo devant la boulangerie Brioche Dorée. Il en repart à 17 h 27 suivant l’itinéraire inverse. À 17 h 28, l’explosion, de faible intensité, survient, entraînant le bris de la vitrine réfrigérée du magasin.
Sur les lieux, ont été retrouvés par terre « des vis de 2 cm, des billes de métal, sept piles de type LR6, un circuit imprimé, un dispositif de déclenchement à distance (…) et des morceaux de plastique blancs pouvant être des résidus de l’engin explosif », détaille Rémy Heitz. La charge explosive se révèle être du tripéroxyde de triacétone (TATP), un explosif artisanal très puissant, mais qui était présent en faible quantité. Elle se trouvait dans un sac en papier kraft. Si de l’ADN a pu être récupéré sur ce sac, il n’a pas pu être identifié via le Fichier national des empreintes génétiques.
« Ce genre de bombes est à la portée de n’importe qui »
En l’absence de revendications, que disent ces constatations sur le profil de l’auteur ? D’un côté, « il y a sur Internet des modes d’emploi qui mettent ce genre de bombes à portée de n’importe qui. On peut donc avoir affaire à quelqu’un d’organisé comme à un illuminé », estime Hervé Redon, de l’Unsa Police Rhône. Vendredi soir, la ministre de la justice Nicole Belloubet a d’ailleurs indiqué qu’il était « trop tôt », pour évoquer un « acte terroriste ».
À l’inverse, pour Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme, « le mode opératoire comme la cible indiquent clairement qu’on est face à un acte terroriste. Même si l’explosion n’a pas fait de morts, le recours à un explosif très puissant ajouté à des billes de métal, de même que le choix de déposer l’engin à un endroit très passant, montrent l’intention de tuer un maximum de gens de façon non discriminée. »
Lyon déjà ciblée par cinq projets terroristes
Alors que le TATP a été utilisé dans les attentats djihadistes de Paris en 2015 et de Bruxelles en 2016, Jean-Charles Brisard précise que « Lyon est la ville de province la plus ciblée en matière d’attentats puisqu’on recense cinq projets, tous de nature djihadiste, depuis 2013. » Toutefois, insiste-t-il, « cela ne veut pas dire que la filière islamiste doit être privilégiée. Il faut être très prudent. » Les pistes de l’ultra-gauche ou de l’ultra-droite, très active à Lyon, sont aussi envisagées.
L’enquête se poursuit donc. D’après le procureur, « plusieurs dizaines » de témoignages « sont en cours d’exploitation ». Si les images de vidéosurveillance pour l’instant diffusées sont de mauvaise qualité, « d’autres images vont pouvoir être exploitées,affirme David Le Bars, du Syndicat des commissaires de la police nationale. Lyon est une ville avec une large couverture et les réquisitions sont en cours pour pouvoir exploiter toutes les caméras publiques mais aussi privées, dans les banques ou chez certains bailleurs. Cependant, si la personne a changé d’apparence ou a été prise en charge par un complice dans une fourgonnette, ça ne donnera peut-être rien. »