Source : Libération
Le Centre d’analyse du terrorisme publie un rapport sur le coût et le financement des attaques terroristes. Rapporteur de la commission d’enquête sur les attentats de janvier et novembre 2015 en France, le député PS Sébastien Pietrasanta commente ses recommandations.
Quelques dizaines de milliers d’euros. Les attentats de janvier (17 victimes) et du 13 Novembre (130 morts) n’ont pas coûté des sommes exorbitantes aux auteurs, selon un rapport du Centre d’analyse du terrorisme qui vient d’être rendu public. La structure chiffre respectivement à 26 000 euros et 82 000 euros les deux attaques. Six postes de dépense ont été retenus : armes, logements, véhicules, téléphonie, faux papiers et déplacement.
Les auteurs passent au crible les sources de financement et moyens de paiement. Outre les crédits à la consommation, dont l’usage par les jihadistes est connu, les terroristes ont eu recours à leurs fonds propres et à des sommes versées en liquide par l’Etat islamique. Sébastien Pietrasanta, député PS des Hauts-de-Seine et rapporteur de la commission d’enquête sur les attentats de 2015 en France, commente le rapport.
Le coût des attentats de janvier et novembre 2015 apparaît relativement bas au regard du nombre de victimes et de l’impact qu’ils ont eu. Est-ce une surprise ?
Je ne suis pas surpris par le montant. 80 000 euros pour les attentats de novembre, c’est vrai que ce n’est pas si important. Les terroristes ont recours à des systèmes low-cost, au système D. Les patrons des services de renseignement nous l’avaient dit lors des auditions de notre commission d’enquête. Ces attentats ont été commis sans moyens importants.
Le Centre d’analyse du terrorisme (CAT), notamment, propose de renforcer les contrôles sur les crédits à la consommation. Y êtes-vous favorable ?
La mesure est intéressante. Il est facile de contracter un crédit à la consommation. Pour l’attentat à l’Hyper Casher, l’auteur, Amedy Coulibaly, avait contracté trois crédits. Le CAT propose de mettre en place un registre des prêts auquel aurait accès Tracfin. Il ne serait pas inutile du tout de permettre de recouper les crédits avec le Fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Les auteurs des attentats de janvier comme de novembre ont parfois eu recours à de faux documents pour contracter des crédits à la consommation…
Le problème est le même pour les cartes de téléphone prépayées. On y avait réfléchi au moment de la loi sur le renseignement, mais la réflexion n’a pas abouti. La fraude aux documents reste un sujet de préoccupation, pour les crédits à la consommation comme pour les cartes SIM prépayées. Il y a là un trou dans la raquette. Quand on achète une carte SIM, il faut envoyer des documents sous 48 heures pour activer la ligne. Mais en 48 heures, il peut se passer beaucoup de choses… On peut toujours légiférer, mais d’un peu de vue opérationnel, il n’est pas sûr que ce soit suffisant.
Le rapport du CAT recommande que l’achat des cartes bancaires prépayées ne puisse plus être anonyme. Avez-vous déjà été alerté à ce sujet ?
Nous n’avons pas reçu d’alerte particulièrement sur les cartes de paiement. Les services de renseignement sont souvent sources de propositions, mais ils n’ont pas particulièrement attiré notre attention là-dessus. Nous expertiserons les propositions en gardant en tête qu’il n’y a rien de pire que des mesures inutiles.
Publié le 17 octobre 2016
Pierre Alonso
Lire l’article sur le site de Libération
Cet article est aussi disponible en Anglais