Sources: Challenges
Le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les « moyens de Daech » remis ce mercredi fait état d’une baisse importante des revenus que l’EI tire des ressources naturelles.
La montagne d’or sur laquelle est assis l’État islamique est de moins en moins imposante.Selon un rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les « moyens de Daech » remis ce mercredi 20 juillet, l’organisation terroriste qui a revendiqué l’attentat perpétré le 14 juillet à Nice, a vu ses revenus considérablement diminuer en un an. Tour d’horizon des sources de revenus de l’EI.
Les ressources naturelles
- Le pétrole
L’une des principales sources de revenus de l’EI s’est tarie entre 2014 et 2015. Ces revenus pétroliers sont passés en un an d’environ un milliard de dollars à un chiffre compris entre 250 et 600 millions de dollars indique le rapport. Une baisse qui s’explique par le recul sur le terrain de l’EI qui a perdu, selon le Pentagone, 40% des territoires qu’il contrôlait en Irak et 10% en Syrie, depuis le début des frappes de la coalition internationale formée par les États-Unis en septembre 2014. Daech a aussi été fortement impacté par les frappes russes et celles de la coalition (programme Tidal Wave 2) contre ses installations pétrolières. Aujourd’hui, Daech contrôlerait une capacité de production de l’ordre de 30.000 barils par jour. Concrètement, les islamistes sont en affaire avec des réseaux de contrebande kurdes, jordaniens et turcs et arrivent à dissimuler le pétrole dans les exportations officielles. Une fois que ce pétrole arrive en Turquie pour y être raffiné, il est alors très difficile d’en identifier la provenance.
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- Le gaz
Là aussi les revenus sont en baisse. Selon les députés qui s’appuient sur les travaux du Centre d’analyse du terrorisme (CAT), un think tank européen fondé en 2014 et présidé par Jean-Charles Brisard, ils seraient passés entre 2014 et 2015 de 490 à 350 millions de dollars. D’après le CAT, les revenus tirés de l’exploitation du gaz sont également en baisse en 2016, et le seront encore plus en cas de reprise par le régime syrien des champs de gaz de la région de Palmyre. Cette perte pourrait représenter un manque à gagner de près de 60 millions de dollars par an pour Daech. L’EI contrôlait, en 2015, une douzaine de gisements de gaz naturel en Irak et en Syrie, notamment Akkas, la plus grande réserve irakienne de gaz naturel, située dans la province d’Al-Anbar, et les champs de la région de Palmyre en Syrie, comptant pour près de la moitié de la production syrienne de gaz naturel.
- Le coton
Le CAT précise aussi dans son étude que l’EI a bénéficié de nouvelles ressources ces derniers mois comme le commerce du coton. Entre 5 et 10% des importations de coton en Turquie proviennent par exemple de champs contrôlés à près de 90 % par Daech. Un cinquième des tee-shirts fabriqués en Turquie le sont ainsi avec du coton cultivé dans le nord de la Syrie. Cela assure selon le CAT au minimum 20 millions de dollars.
- Le phosphate
En 2015, la production de phosphate aurait chuté d’environ 20% par rapport à 2014 et aurait rapporté environ 250 millions de dollars. Cette baisse devrait continuer en 2016 en raison des revers militaires dans la région de Palmyre et Routba.
- Le ciment
Là encore la baisse se constate. Selon le CAT, les revenus que l’EI tire du ciment seraient passés de 290 millions de dollars en 2014 à 100 millions en 2015. En revanche les députés estiment dans leur rapport que « rien ne permet d’établir » que le cimentier français Lafarge a participé, « directement ou indirectement au financement » de l’EI. Selon un article du Monde publié fin juin, Lafarge aurait tenté, en 2013 et 2014, de faire fonctionner « coûte que coûte » son usine syrienne à Jalabiya, au nord-est d’Alep, « au prix d’arrangements troubles avec les groupes armés environnants, dont l’EI ».
Les taxes
Cette baisse des revenus que l’EI tire des ressources naturelles a toutefois été en partie compensée par l’augmentation des revenus dus aux taxes prélevées par Daech sur les territoires qu’il contrôle en Syrie et en Irak. Entre 2014 et 2015, cette ressource qui est devenue la première de l’organisation islamiste, est passée de 360 millions de dollars à 800 millions de dollars, selon le CAT. « Daech a de plus en plus recours aux taxes forcées et aux extorsions de fonds, indiquait Jean-Charles Brisard à Challenges en octobre dernier. Dans la province de Ninive (Irak) qui comprend Mossoul, l’EI ponctionne 50% du salaire des 60.000 fonctionnaires de la région. Cela génère environ 300 millions de dollars par an ».
Un « droit de douane » sur les camions entrant dans le territoire de Daech, aurait aussi rapporté à l’EI au moins 250 millions de dollars en 2015. Des taxes sur l’agriculture, pouvant être payées en nature, auxquelles sont assujettis de nombreux acteurs existent aussi. Enfin de nouvelles taxes seraient en cours de création. Ainsi, Daech a indiqué qu’une taxe de 2,5 % serait instaurée sur les transactions financières en 2016 précise les députés.
Le trafic d’êtres humains
Plus à la marge, l’EI tire des revenus issus du kidnapping et du commerce sexuel. Selon un document des Nations unies, publié en août, en moyenne, les filles et les garçons âgés de un à 9 ans sont vendus 150 euros, les adolescentes environ 110 euros, les femmes entre 20 et 30 ans environ 70 euros. L’EI se serait aussi récemment spécialisé dans le trafic d’organes humains prélevés sur les corps de captifs, de soldats morts ou de prisonniers blessés.
Les Parlementaires citent un rapport de l’ONU de janvier 2016 qui précise que Daech bénéficie « de paiements de rançons par des familles d’otages, en particulier de la communauté yézidi » et qu' »il y a lieu de penser que 850.000 dollars ont été versés en janvier 2015 pour la libération de 200 Irakiens yézidis. Plusieurs millions de dollars auraient également été versés pour la libération de plus de 200 chrétiens assyriens dans la province d’Hassaké en Syrie, début 2015. Ces revenus auraient avoisiné les 100 millions de dollars en 2015 selon le CAT.
Le trafic d’œuvres d’art
Il est assez difficile d’évaluer précisément ce que rapporterait à Daech ce trafic rappelle les Parlementaires. Selon les estimations les plus plausibles, il rapporterait à l’EI entre 20 et 100 millions de dollars par an, soit de 1 à 5% de ses revenus. Seule certitude: les principaux sites archéologiques de Syrie et d’Irak font l’objet d’innombrables fouilles sauvages. Des photos satellites montrent des terrains constellés de trous, plus de 14.000 sur le seul site d’Apamée, en Syrie. Des saisies ont démontré la réalité du trafic. Les autorités libanaises ont intercepté des bas-reliefs provenant de Palmyre, et un objet pillé au musée de Raqqa (Syrie) a été retrouvé en Turquie.
Antoine Izambard
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